Porsche 911 CARRERA 2.7 : LA MERVEILLE
Totalement méconnue, produite durant moins de trois ans, la Porsche 911 Carrera 2.7 est, sans l’ombre d’un doute, la meilleure, la plus belle et la plus jouissive des Porsche 911 « G » jamais produites. Une auto discrète à chasser d’urgence durant cette période de récession.
Par Pascal Dro et Stéphane Enout | Photos Morgan Mathurin
Seule entorse à l’origine pour l’extérieur, les cerclages de phares qui, de 1974 à 1975, passaient en version peinte. Mais, ainsi, ils sont assortis au rétroviseur unique. Plus simple et discrète que cela, il n’y a pas.
La conduite d’une 911 Carrera 2,7l : inoubliable
Histoire et configuration historique de ce modèle.
La 911 Carrera 2.7, dans sa version européenne à injection mécanique, a été produite immédiatement après l’arrêt de la 2.7 RS dans sa version Touring (M472). Souvenez-vous que Porsche avait relancé par deux fois la production de cette dernière en 1973 et continuait de s’étonner d’en avoir vendu 1 590 après avoir douté d’être seulement capable d’écouler les 500 premières.
Alors, au moment de changer de carrosserie et de passer des F au G avec les butoirs, il lui fallait disposer d’un équivalent s’il voulait poursuivre l’exploitation du filon. Bingo ! La Carrera 2.7 arrive avec le même moteur, le 911/83, qui deviendra le dernier bloc à injection mécanique produit par Porsche pour la série lors de la fin du modèle, en 1976. Pour le reste, outre la même puissance de 210 ch, les deux autos affichent le même poids de 1 075 kg. À comparer aux 1 250 kg d’une Carrera 3.2, qui est donc 20 % plus lourde et seulement 5 ou 6 % plus puissante… Historiquement, les modèles de 1974 sont arrivés en concession avec l’aileron de canard ou sans aileron.
À partir de 1975, c’est avec un aileron typé Turbo ou sans aileron qu’elles sont proposées, l’Allemagne interdisant alors l’aileron de canard pour des raisons de sécurité.
Et surtout la Carrera 2.7 offre des performances et à l’agrément incomparable avec une réponse presque instantanée du moteur. La fameuse injection mécanique lui confère une vivacité étonnante et, sur tout, une linéarité presque parfaite jusqu’à la zone rouge.
En 1974, le chrono de 0 à 100 km/h s’établissait souvent sous les 5,5 s. Pour y parvenir, la chasse au poids et la disponibilité du moteur étaient essentielles. Quant à son usage sportif, sur circuit ou petite route, il demeure une expérience privilégiée que tout porschiste digne de ce nom devrait tenter de vivre une fois dans son existence. Jouissive, pleine, exubérante, facile, légère… Les qualificatifs ne seront jamais suffisants pour indiquer à quel point une telle séance de pilotage est inoubliable. Sur les petites routes de Provence, au petit matin, sachez que le photographe Morgan Mathurin s’est au moins autant régalé à l’entendre et à la voir passer que Stéphane, son pilote du jour.
Il s’appelle 911/83 et est strictement identique au bloc de la légendaire 2.7 Carrera RS. Un moteur unique, à découvrir.
Stéphane Quenin, de l’Atelier d’Aubagne, qui a refait à neuf toute la partie avant de la voiture, réservoir et trappe compris. Plus belle encore et conforme en tous points, désormais.
Autre liberté prise avec l’origine : le skaï intégral a laissé la place à un peid-de-poule d’origine. Plus cosy, plus confortable, plus seventies encore…
Aussi puissante et aussi légère qu’une 2.7 Carrera RS pour trois fois moins cher. Et une cote qui va inévitablement grimper à nouveau. C’est le moment d’agir.
Une identification discrète, que personne ne remarque. N’est-ce pas ce que les porschistes recherchent aujourd’hui?
La rareté: nombre de Carrera 2.7 ont ultérieurement été transformées en voitures de course, en 2.8, en 3.0 RS ou RSR, avant d’être plus ou moins négligées et oubliées. Il en a été produit 1 011 en 1974, 509 en 1975 et, finalement,113 en 1976 dans une édition limitée pour le marché allemand. Au total, ce sont donc 1 633 exemplaires qui ont été réalisés contre 1 590 coupés 2.7 Carrera RS, auxquels s’ajoutent 631 versions Targa – plus rares, donc, mais étrangement moins recherchées – sur trois ans et 20 autres exemplaires en 1976 pour la police belge.
Combien reste-t-il de Carrera 2.7 aujourd’hui sur la route ?
Sans doute autour d’un millier. Combien ont vécu une histoire limpide et se retrouvent aujourd’hui en bon état ? Beaucoup moins que cela, à l’évidence. Et lorsque l’on sait qu’elle ne fut jamais, pour des raisons de pollution, vendue aux États-Unis en version 210 ch, on comprend mieux sa rareté aujourd’hui. Le sel des routes d’Europe autant que les accidents divers ont méthodiquement décimé l’espèce depuis près d’un demi-siècle.
Un autre atout tient à sa discrétion absolue, puisque peu de badauds savent qu’il s’agit de l’une des Porsche les plus extraordinaires de l’histoire. Elle ne fait donc pas tourner les têtes – ce qu’on apprécie actuellement – ni ne suscite de commentaires, même élogieux. On peut rouler avec, beaucoup et fort, sans que personne ne s’en offusque. Elle paraît simplement normale, alors qu’elle arbore le meilleur moteur « classic » à air jamais produit par Porsche.
Un tempérament de feu, un son très présent et une auto qui se savoure à chaque montée en régime, à chaque descente de rapport, sur les petites routes de Provence.
La 911 carrera 2,7l présentée ici :
En ce qui concerne notre voiture, il s’agit du 208e coupé, fabriqué en octobre 1974 durant l’année-modèle H (août 1974-juillet 1975). En théorie, cette année se distingue extérieurement par des entourages de phares peints, qui ont été remplacés par des modèles acier sur cet exemplaire vendu neuf en France. Elle possède son équipement d’origine, sa trousse à outils, son gonfleur et les vitres teintées ainsi que l’essuie-glace arrière figurant sur la liste des options de l’hiver 1974/75. Son dernier propriétaire l’a conservée pendant une quinzaine d’années et l’a entretenue… comme on entretenait une Porsche de moindre valeur dans ces années-là. Ce n’est que récemment, quand elle a été acquise par Eleven Cars, à Paris, qu’elle a repris des couleurs. Une réfection complète du moteur, puis une seconde – car les pseudo-spécialistes du 2.7 RS restent encore trop nombreux -, une foule de bricoles réalisées successivement, un passage en sellerie complet et un nettoyage des entourages de vitres, qui avaient été mal peints précédemment, lui ont rendu son bel aspect d’origine.
Peut-être un tantinet trop polies et trop brillantes, les roues, non? Cela va passer à l’usage.
Butoir de “G” sur cette série “H”, les débuts de toute une génération de 911 qui allait s’achever 15 ans plus tard, en 1989. Quelle carrière !
Le badge devait être orange et non rouge. On cherche, on cherche…
Seulement voilà : au cours des diverses mises à niveau, il est apparu qu’elle avait, il y a très longtemps sans doute, subi un accident. En soi, cela n’a rien de choquant pour une sportive âgée de près d’un demi-siècle. Reste que, lorsque l’Atelier d’Aubagne l’a récupérée pour traiter les points de carrosseries qui l’exigeaient, décision a été prise de reprendre toute la partie avant de la voiture et de lui installer un réservoir neuf. Le résultat ? De manière très transparente, vous le voyez sur les photos : une mise à nu complète, un alignement aussi parfait que possible et des écarts repris un peu partout. À présent, cette Carrera 2.7 peut fièrement exhiber ses dessous : tout est limpide. Et à l’usage, c’est désormais un plaisir que d’entendre les portes claquer, d’ajuster à la main les baquets recouverts de tissu pied-de-poule et de verrouiller sa ceinture avant de démarrer, d’engager puis de passer les vitesses avec une 915 parfaitement réglée. Actuellement, elle affiche environ 2 000 km parcourus depuis la réfection du moteur et un total de 106 000 km, très vraisemblable, au compteur. Le flat-6, qui commence à rugir de plaisir, ne s’en laisse pas compter sur les routes de Provence où la voiture débute sa deuxième vie.
Vignettes d’assurance et de contrôle technique sont fixées dans le pare-soleil par souci de pureté. Idem pour les plaques noires, conformes à celles de l’époque.
Des feux traditionnels, dans leur configuration de 1974/75. On ne peut pas dire qu’ils éclairent vraiment bien… mais faut-il changer d’ampoules? De type d’éclairage? Des questions qui restent posées.
Volant à trois branches et compteurs spécifiques avec la zone rouge au-delà de 7 000 tr/mn. Mais vous êtes le seul à le savoir…
Sortie d’une dernière retouche à l’Atelier d’Aubagne. Il ne lui manque plus que sa radio d’origine.
Homogène, raide, rapide, bruyante à souhait… Les trois heures passées à bord, sans climatisation, dans la chaleur de cet été provençal, resteront inoubliables.
Ses atouts ? Sa légèreté, avant tout et, aussi, la sécurité qu’elle offre à son conducteur. Car il ne faut pas oublier qu’elle date de l’époque où les 911 souffraient de réputations sulfureuses, ne pardonnant pas grand-chose à leurs « pilotes » quand ceux-ci se montraient trop optimistes. Heureusement, les seuls progrès des pneumatiques (la nôtre possède des roues d’origine optionnelles et d’époque en 7 et 8 pouces), ici des 195/70- 15 et 215/60-15 et des amortisseurs font de ces 911 classiques des autos des plus limpides et rassurantes à piloter. Montée des rapports, descente des rapports… Il lui fallait encore un léger réglage de la hauteur de la pédale de frein pour pouvoir réaliser dans les meilleures conditions le talon-pointe requis pour accélérer les passages et préserver la boîte de vitesses et l’embrayage. Pour le reste, RAS ! Homogène, raide, rapide, bruyante à souhait… Les trois heures passées à bord, sans climatisation, dans la chaleur de cet été provençal, resteront inoubliables. Et si l’on ajoute à cela son dossier historique, ses expertises, factures et manuel, ses documents d’époque, on finit par se moquer un peu de ses petites mésaventures passées. Cette Carrera 2.7 a retrouvé tout son potentiel, toute son intégrité et n’offre plus que du bonheur. Il doit en être de même pour toutes ses sœurs, méconnues et parfois endormies. À chasser d’urgence. Vraiment.♦
Contacts
Atelier d’Aubagne
132, allée Marie Curie
13420 Géménos
T. : 04 42 04 24 98
Un style unique et, réflexion faite, une toute petite auto en regard de ce qui se fait aujourd’hui chez Porsche et ailleurs.
L’essuie-glace arrière n’a finalement pas beaucoup d’utilité. Le précédent propriétaire l’avait retiré et conservé. Le voici de retour à sa place. Pour le reste, tout y est : outils, gonfleur, courroies…
Rarement, vous en conviendrez, nous n’avons été aussi dithyrambique dans le « chapo » présentant l’essai d’une Porsche.
Bien sûr, nous sommes très souvent enthousiastes, par passion et par raison, tant les anciennes productions de Stuttgart nous fascinent. Pourtant, cette fois, il s’agit d’un reportage que nous souhaitions vous proposer depuis longtemps.
La Porsche 911 Carrera 2.7 a été produite entre 1974 et 1976, durant moins de trois ans.
L’évolution de la cote des Porsche 911:
Pourquoi ce sujet devait-il être publié aujourd’hui et pas hier ou demain ? Pour une foule de raisons. La première concerne essentiellement cette « mini-crise » qui secoue depuis trois ans les valeurs des Porsche anciennes. Si la plupart des cotes ont effectivement reculé, faisant vaciller les certitudes des spéculateurs, certaines, qui avaient frémi à la baisse au début de la peur collective, se sont ressaisies rapidement tandis que d’autres n’ont pas « bronché ». Ainsi, sur les marchés traditionnellement forts et solides, comme les États-Unis, le Japon, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ces icônes de la culture Porsche que sont les 911 2.7 Carrera RS ont un peu baissé, avant de se reprendre et, maintenant, de repartir clairement à la hausse. Idem en ce qui concerne les belles 2.4 S, les modèles 1965, les Targa « soft top » et les classiques rares ou exceptionnelles. Du côté des G, si les premières versions étroites ont la faveur des collectionneurs, elles ne font pas de malheur dans le grand public des fans. La faute à leurs puissances ridicules, sans doute. Et, entre les deux, il y a… les 911 Carrera 2.7. Elles ont baissé il y a trois ans, faute de notoriété, et constituent de fantastiques alternatives aux 2.7 RS qui, se ré-appréciant, vont immanquablement grimper à nouveau dans les mois et les années à venir. Parce qu’elles sont rares, certes, mais aussi et surtout parce qu’elles sont extraordinaires. Alors, très clairement, si vous disposez d’un budget compris entre 130 000 et 200 000 € – ou si vous pouvez l’emprunter -, c’est là le meilleur choix du moment. Et pour une foule de raisons.