COMPARATIF PORSCHE 911 CARRERA 3.0- CARRERA 3.2 : LAQUELLE CHOISIR ?
Par Stéphane Brossard
Bon, bien sûr, elles s’appellent toutes les deux Carrera. Et si la 911 carrera 3.2 est bien connue de tous, la carrera 3.0 est à la fois ignorée… et en plein boom dans le cœur des fans et des collectionneurs. L’effet de la rareté, sans doute… Si bien que la question se pose : faut-il chercher une 3.2 parfaite ou une 3.0 « en devenir » ?
Les 911 de la série G
Depuis l’époque bénie des premières 911 de la série G, l’appellation Carrera est un peu galvaudée. Et si les « SC » étaient en réalité des « Super Carrera », cela ne se voyait pas trop… C’est donc depuis l’apparition des 3l2, en 1984, que toutes les Porsche 911 – ou peu s’en faut – s’appellent Carrera. C’est aussi de cette époque que date l’engouement pour les Carrera d’avant.
Car il s’agissait toujours de versions de course ou d’homologation – devenues les plus chères et les plus rares – ou de haut-de-gamme, comme dans le cas de cette Carrera 3.0, à peine plus performante qu’une 3.0 SC mais toujours bien équipée.
Les 911 à pare chocs à soufflets:
Voici donc deux belles représentantes de l’ère des « 911 à pares chocs à soufflets ». Toutes deux ont leurs détracteurs et leurs défenseurs. Beaucoup pensent que les lignes pures de la génération précédente ont été abîmées par la pression réglementaire américaine qui a abouti à l’adoption de ces soufflets. Mais force est de constater qu’elles sont également devenues des « classiques » depuis belle lurette.
Introduite en septembre 1973, la 911 dite « G » arbore de nouveaux pare-chocs en aluminium et des soufflets noirs très visibles à l’avant et à l’arrière. Elle a connu de nombreuses variations, notamment avec des ailerons de taille variable et des spoilers avant, surtout sur les 911 Turbo et 911 Carrera.
La première 911 Turbo, arrivée peu de temps après la Carrera 3.0, a elle aussi reçu ces appendices, les élevant au statut d’icône pour les fans de la marque. En 1976, quand Porsche lance la 3.0 Carrera, elle prend place au sein d’un trio de « trois litres » (ou presque) qui compte aussi la Ferrari Dino et la Maserati Merak.
Comparatif avec la 911 Carrera 2,7 :
Par rapport à une 911 Carrera 2.7 des années précédentes, cette définition 3l, la puissance de 210ch – ne change pas beaucoup par rapport à celle . Mais elle est, malgré tout, plus souple grâce à sa plus forte cylindrée, à la plus longue course de ses pistons et à l’injection K-Jetronic signée Bosch.
Également, le bloc est renforcé et plus résistant, comme cela se verra à l’usage, puisqu’il atteint des puissances supérieures à 600 ch dans le Groupe 5 allemand de la fin des années 70. En outre, la longévité de la caisse progresse grâce à la galvanisation qui débute sur les lignes de production en 1977.
Étrangement, ce modèle Carrera 3.0 n’allait vivre que deux ans, remplacé par la 911 SC 3.0 qui perdait 30 ch au passage, à 180 ch. La raison ? Sans doute la fin alors annoncée de la 911 au profit de la 928, qui devait donc lui damer le pion et figurer en haut de la gamme comme des performances proposées.
Mais les clients de la marque, en Europe comme aux États-Unis, ne voient pas les choses ainsi et le disent haut et fort. Porsche a entendu le message juste avant qu’il ne soit trop tard et a décidé de repasser à l’offensive en développant les deux modèles en parallèle. Ainsi, la SC a gagné en puissance, passant à 204 ch et rattrapant le niveau de la Carrera 3.0.
Comparatif avec la 911 Carrera 3,2:
Au Salon de Francfort 1983, la cylindrée atteint 3 164 cm3 pour l’ultime version à soufflets, la désormais légendaire Carrera 3.2 à injection Motronic, développée aux 24 Heures du Mans et au nom tellement plus évocateur d’un passé glorieux. Aujourd’hui, près de trente ans après sa disparition du catalogue, la question se repose de manière différente : laquelle choisir ? Ces deux modèles sont à la fois semblables et si différents.
AVEC UN POIDS RÉDUIT ET UN MOTEUR DOTÉ DE MOINS D’INERTIE, LA VIVACITÉ DE LA CARRERA 3.O DEMEURE SUPÉRIEURE À CELLE DE LA CARERRA 3.2.
ON EST VRAIMENT EN PRÉSENCE D’UN COMPARTIMENT MOTEUR DE SC…. QUI APPARAITRA UN PEU PLUS TARD, TOUT DE MÊME.
INDESTRUCTIBLES, COMME LE RESTE, LES SIÈGES, QUAND ILS SONT BIEN ENTRETENUS, N’EXIGENT QUE LE REMPLACEMENT DU SOUBASSEMENT TOUS LES… TRENTE ANS !
LES AILERONS DES 911/930 MÉRITERAIENT UN SUJET À EUX SEULS.
La 911 Carrera 3l en détail :
Au chapitre des différences, hors détails esthétiques intérieurs et extérieurs, il en est une majeure : la 911 Carrera 3l n’est restée que deux ans au catalogue, à mi-chemin entre la 911 Carrera 2.7 et la SC 3l. Au total, sa production n’atteint que 3 691 exemplaires (coupés et Targa confondus), ce qui explique la tendance haussière de sa cote aujourd’hui.
Elle a aussi été la première Porsche équipée du bloc 930 (avant que la Turbo ne s’accapare ce patronyme), très résistant et servi par une boîte de vitesses 915 aussi rapide que fiable, particulièrement adaptée aux rallyes historiques.
La Carrera 3,0l affiche, en outre, un poids réduit de 1120 kg en ordre de marche), tout à fait sensible lorsqu’on la conduit. C’est donc un « oiseau rare » dans la famille des 911 à soufflets mais qui accuse, malgré tout, quelques faiblesses : la climatisation, dont les trois thermostats ne sont toujours pas tombés d’accord, le désembuage impossible (en progrès sur la 3.2…) et des sièges désespérément plats qui maintiennent si mal les deux occupants…
La 911 Carrera 3,2l en détail :
Pour la 911 Carrera 3.2, les choses sont à peine différentes. Pour beaucoup, elle est la dernière véritable 911 : toujours pas de direction assistée mais une qualité de construction inégalée et sans doute inégalable.
Solide, fiable, durable, mieux équipée, mieux isolée que la 3.0, elle permet de monter des roues plus grandes: Fuchs en 16’’ au lieu de 15’’ et des pneus plus larges, gages d’une meilleure stabilité. À l’intérieur, les ouïes de ventilation sont enfin dignes de ce nom et la qualité globale, jusque dans l’habitacle, est également exceptionnelle.
Le point négatif, car il y en a malgré tout un, c’est que cette meilleure finition et cet équipement engendrent une augmentation du poids que le moteur de 231 ch digère sans problèmes, certes, mais qui nuit à l’impression globale laissée par cette auto.
Au volant des deux 911 Carrera:
Ainsi, quand vous passez de l’une à l’autre, vous réalisez que la 3.2 est plus pataude, moins vive et que son embonpoint se ressent au volant. Dynamiquement, les différences entre l’une et l’autre se trouvent, avant tout, dans la vivacité du moteur.
Bien que le moteur 3.2l montre une plus grande élasticité, le moteur 3,0l compense grâce à un poids global plus facile à mouvoir et à une inertie moindre.
La mécanique de la 3,0l a aussi un volant moteur est plus léger et ses envolées bien plus drôles !
En comportement, ces deux voitures restent de typiques Porsche 911 qui ne dissimulent pas leur tendance à lever le nez avant de fortes accélérations ou à le traîner à l’entrée des courbes les plus lentes. Dans le cas particulier de la comparaison de ces deux modèles sur des routes étroites et sinueuses, nous avons pu vérifier à quel point les dimensions des roues et les choix des suspensions peuvent modifier le comportement d’une voiture.
La 911 Carrera 3,0l jaune de notre essai possède une configuration beaucoup plus agressive, ce qui lui permet d’approcher les virages avec une grande fermeté et sans mouvements étranges, tandis que la 911 3.2 blanche est à la fois plus neutre, moins vive et plus sécurisante à l’usage. Plus touring que racing, en quelque sorte.
PLUS CONNU, MAIS ÉGALEMENT BORDÉ DE CAOUTCHOUC MOU, POUR DES RAISONS DE SÉCURITÉ DES PIÉTONS, L’AILERON D’ORIGINE PORTE UN LOGO PORSCHE SUR SA LIPPE.
LA DIFFÉRENCE ? L’ABSENCE DE COUTURES SUR LE HAUT DU DOSSIER ET SUR L’APPUIE-TÊTE.
CLAIREMENT UN AUTRE MOTEUR, DANS SA PRÉSENTATION, DANS SES CARACTÉRISTIQUES ET DANS SON TEMPÉRAMENT.
LA PLUS CONNUE ET LA PLUS RECHERCHÉE DES G, ET DE LOIN. UN BEST-SELLER AU SUCCÈS TOTALEMENT MÉRITÉ ET UNE PORSCHE DONT LA VALEUR NE BAISSERA JAMAIS.
Les points communs de ces deux 911 série G
Piloter l’une de ces deux voitures sur des chemins riches en virages, tels que cols ou routes secondaires, vous informe sans tarder du potentiel élevé de chacune. La légèreté de l’ensemble, une direction précise (tant qu’il y a un soutien suffisant sur l’essieu avant) qui ne filtre rien de ce qui passe sous les roues avant, l’élasticité du moteur, la puissance disponible, la très bonne sensation de freinage (qui, malgré l’absence d’ABS, permet de moduler avant d’arriver à bloquer les roues avant), ainsi qu’une adhérence et une stabilité vraiment remarquables (encore une fois, selon la configuration de la suspension)… Tout cela n’est que pur bonheur et nous pousse à ajouter des kilomètres à chaque balade, comme avec toutes les 911 de ces années-là, qui ne demandent qu’à être poussées dans leurs derniers retranchements mais ne se laissent finalement faire que par des mains avisées. Rassurez-vous : tout se passe toujours pour le mieux en 911 et ces deux-là possèdent également comme point commun une incroyable fiabilité.
LONGTEMPS, ON LUI A REPROCHÉ SES SOUFFLETS, JUGÉS INESTHÉTIQUES. DÉSORMAIS, ILS ONT UN LOOK TRÈS 70/80 DONT TOUT LE MONDE RAFFOLE.
QUI OSERAIT, AUJOURD’HUI; PRÉSENTER UNE AUTO À LA FOIS ANGULEUSE ET RONDE AVEC UN FEU AVANT AUSSI BASIQUE ?
N’Y VOYEZ PAS DE MAUVAIS ESPRIT. LES CONSOMMATIONS SONT, CERTES, PLUS ÉLEVÉES QUE CELLES DES VÉHICULES ACTUELS MAIS LE PLAISIR DISPENSÉ EST INCOMPARABLEMENT SUPÉRIEUR.
Les détails sur nos voitures d’essais:
Ainsi, notre Carrera 3.2 du jour affiche bien plus de 200 000 km et la Carrera 3.0 y arrive à grands pas. Toutes deux vivent désormais une seconde jeunesse grâce à tous les soins et attentions que l’on doit prodiguer aux Porsche anciennes.
Par précaution, le propriétaire de la 3.2 vient de faire refaire son moteur, encore en rodage, mais, pour le reste, rien n’a bougé : peinture d’origine, sellerie d’époque et moteur « matching ». Et, après quelques heures à son volant, on peut réellement se dire qu’elle est presque parfaite dans cette configuration, à la fois plus silencieuse et mieux aboutie que celle de la Carrera 3.0. La 964 qui lui a succédé était, décidément, une voiture bien différente.
Cette 911 Carrera 3.0l, a vécu une histoire un peu plus tortueuse : née avec une peinture de couleur vert Lagune, elle a parcouru plus de 140 000 km avant qu’une panne électrique et la négligence de son ancien propriétaire ne la laissent garée dans un coin de son jardin.
C’est justement le jardinier qui l’a un jour sauvée, la faisant repasser par Sonauto pour sa remise en route avant que la rouille et les intempéries du Nord de la France n’en viennent à bout pour de bon. Il l’a ensuite ramenée chez lui, en Espagne, où elle a été restaurée de fond en comble. La coque, le moteur, la transmission, la suspension, les freins, le système électrique, l’intérieur… tout a été entièrement rénové selon la configuration initiale, à quelques détails près… À l’extérieur, c’est la couleur Cadmium Gelb qui a été choisie. À l’intérieur, le cuir noir a remplacé le velours et le simili-cuir d’origine tandis que les roues « cookie cutters » originales ont laissé place à des Fuchs de 17 et 18”. Le reste ? Identique aux spécifications du dossier archivé à l’usine. Depuis, la voiture a couvert plus de 20 000 km dans différents rallyes de régularité pour classiques, dont certains très exigeants, sans le moindre problème mécanique.
En bref, à l’usage comme dans la théorie, dans une perspective patrimoniale comme pour le simple plaisir de rouler en 911, ces deux choix constituent des options passionnantes. La 911 Carrera 3,2l, archi-connue, représente la quintessence de la versatilité et une sorte de valeur sûre et sans surprise.
La 911 Carrera 3,0l, de son côté, est plus joueuse et plus ludique, plus exclusive et moins « tout-terrain » que sa descendante. Pourtant, à choisir, si vous ne passez que 5 000 km par an à son volant, vous aurez là une auto qui dispense plus de sensations. Mais à un tarif également plus élevé, c’est vrai. Le prix de la rareté mais aussi de la différence et de l’affirmation d’un choix fort et motivé. Côté prix, les deux valent aujourd’hui entre 40 000 et 50 000 €, compte tenu de leurs états respectifs.
Mais si la Carrera 3.2 – l’une des 911 les plus produites – semble avoir atteint le sommet de sa cote, la Carrera 3.0 pourrait bien n’en être qu’aux prémices de son ascension. Elle est rare et le plaisir de pilotage qu’elle distille ne l’est pas moins.♦